Le cannabidiol (CBD) est un composé naturellement présent dans la plante de cannabis. Contrairement à son homologue le tétrahydrocannabinol (THC), le CBD ne provoque pas d’effets psychoactifs ni de sensation d’euphorie. Ces dernières années, le CBD a suscité un vif intérêt en raison de ses propriétés médicinales potentielles, notamment en tant qu’antipsychotique. Dans cet article, nous allons explorer comment le CBD peut exercer des effets antipsychotiques, en examinant les mécanismes biologiques sous-jacents et les recherches scientifiques à l’appui.
Le système endocannabinoïde et les récepteurs CB1 et CB2
Le système endocannabinoïde (SEC) est un système de signalisation cellulaire présent dans le corps humain et est impliqué dans la régulation de diverses fonctions physiologiques, telles que la douleur, l’humeur, l’appétit et le sommeil (Mechoulam et Parker, 2013). Le SEC est composé de deux principaux récepteurs, les récepteurs CB1 et CB2, qui interagissent avec les cannabinoïdes endogènes (cannabinoïdes produits par l’organisme) et exogènes (cannabinoïdes provenant de sources externes, comme le cannabis) (Pertwee, 2008).
Le THC, le principal composé psychoactif du cannabis, se lie principalement aux récepteurs CB1, provoquant les effets euphoriques et psychoactifs associés à la consommation de cannabis (Iversen, 2003). En revanche, le CBD présente une faible affinité pour les récepteurs CB1 et CB2, ce qui signifie qu’il n’active pas directement ces récepteurs de manière significative (Pertwee, 2008). Cela explique en partie pourquoi le CBD ne provoque pas les effets psychoactifs associés au THC.
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Modulation des récepteurs CB1
Bien que le CBD n’active pas directement les récepteurs CB1, il peut moduler leur activité d’autres manières. Par exemple, le CBD agit comme un antagoniste inverse des récepteurs CB1, ce qui signifie qu’il réduit l’activation de ces récepteurs par d’autres cannabinoïdes, y compris le THC (Laprairie et al., 2015). Cette modulation des récepteurs CB1 peut aider à réduire les symptômes psychotiques en limitant l’activation excessive des récepteurs CB1 par le THC, qui a été liée à des effets psychotomimétiques (D’Souza et al., 2004).
De plus, le CBD peut également agir en tant que modulateur allostérique négatif des récepteurs CB1, ce qui signifie qu’il peut modifier la structure et la fonction de ces récepteurs en se liant à des sites autres que le site actif principal (Martínez-Pinilla et al., 2017). En conséquence, cela peut influencer l’efficacité et la sélectivité avec laquelle d’autres ligands se lient aux récepteurs CB1, modulant ainsi leur activité (Laprairie et al., 2015).
Approfondir: Tout savoir sur le récepteur CB1: Une exploration détaillée
Effets sur le système sérotoninergique et les récepteurs 5-HT1A
Le système sérotoninergique est un autre système de neurotransmission impliqué dans la régulation de l’humeur, de l’anxiété et des fonctions cognitives. Un déséquilibre dans la signalisation de la sérotonine a été associé à divers troubles psychiatriques, tels que la dépression, l’anxiété, la schizophrénie et les troubles bipolaires (Müller et Schwarz, 2007).
Le CBD agit comme un agoniste partiel des récepteurs sérotoninergiques 5-HT1A, ce qui signifie qu’il augmente l’activation de ces récepteurs (Russo et al., 2005). Cette action sur les récepteurs 5-HT1A pourrait contribuer aux effets antipsychotiques du CBD, car les agonistes 5-HT1A ont été montrés pour réduire les symptômes psychotiques chez les patients atteints de schizophrénie et d’autres troubles psychiatriques (Sumiyoshi et al., 2008).
Effets sur le système glutamatergique
Le système glutamatergique est un autre système de neurotransmission impliqué dans la pathogenèse des troubles psychotiques. Le glutamate est le principal neurotransmetteur excitateur du système nerveux central, et un déséquilibre dans la signalisation du glutamate a été lié à la schizophrénie et à d’autres troubles psychiatriques (Coyle, 2006).
Le CBD peut influencer la signalisation du glutamate en régulant la libération et la recapture du glutamate (Leweke et al., 2012). Des études précliniques ont montré que le CBD peut augmenter les niveaux extracellulaires de glutamate dans certaines régions du cerveau, ce qui pourrait contribuer à ses effets antipsychotiques (Campos et al., 2013). De plus, le CBD peut également protéger les neurones contre les effets excitotoxiques du glutamate, ce qui peut avoir des implications pour le traitement des troubles psychotiques (Izzo et al., 2009).
Effets sur le système GABAergique
Le système GABAergique, qui implique le neurotransmetteur inhibiteur GABA, joue également un rôle important dans la régulation de l’excitabilité neuronale et la neurotransmission. Un dysfonctionnement du système GABAergique a été lié à la schizophrénie et à d’autres troubles neuropsychiatriques (Gonzalez-Burgos et Lewis, 2012).
Des études précliniques suggèrent que le CBD peut moduler la signalisation GABAergique en augmentant les niveaux de GABA dans certaines régions du cerveau (Bakas et al., 2017). Cette action sur le système GABAergique pourrait contribuer aux effets antipsychotiques du CBD en normalisant l’équilibre entre les neurotransmetteurs excitateurs et inhibiteurs dans le cerveau.
Effets sur les récepteurs PPARγ
Les récepteurs PPARγ sont des protéines nucléaires qui régulent l’expression des gènes impliqués dans la régulation de l’inflammation, du métabolisme énergétique et de la différenciation cellulaire (O’Sullivan, 2007). Des recherches récentes suggèrent que le CBD peut agir comme un agoniste des récepteurs PPARγ, activant ainsi ces récepteurs et modulant leur fonction (O’Sullivan et al., 2009).
L’activation des récepteurs PPARγ par le CBD pourrait avoir des implications pour le traitement des troubles psychotiques, car les récepteurs PPARγ ont été impliqués dans la régulation de la neuroinflammation et la neuroprotection (De Deyn et al., 2019). En outre, les agonistes des récepteurs PPARγ ont montré des effets antipsychotiques dans des modèles précliniques de schizophrénie (Kumar et al., 2012).
Effets sur le système endocannabinoïde et l’anandamide
L’anandamide est un cannabinoïde endogène qui agit comme un neurotransmetteur dans le système endocannabinoïde. Des études ont montré que les niveaux d’anandamide sont altérés chez les patients atteints de schizophrénie et que l’anandamide pourrait jouer un rôle dans la modulation des symptômes psychotiques (Leweke et al., 2012).
Le CBD peut augmenter les niveaux d’anandamide en inhibant sa dégradation et en augmentant sa disponibilité pour les récepteurs CB1 (Leweke et al., 2012). Cette augmentation des niveaux d’anandamide pourrait contribuer aux effets antipsychotiques du CBD en modulant la signalisation endocannabinoïde et en réduisant les symptômes psychotiques associés à un dysfonctionnement du système endocannabinoïde.
Conclusion
Le CBD est un composé non psychoactif présent dans la plante de cannabis qui a suscité un intérêt croissant en raison de son potentiel thérapeutique en tant qu’antipsychotique. Les mécanismes biologiques sous-jacents aux effets antipsychotiques du CBD sont complexes et impliquent la modulation de plusieurs systèmes de neurotransmission, y compris les systèmes endocannabinoïde, sérotoninergique, glutamatergique, GABAergique et PPARγ.
Des études précliniques et cliniques ont montré que le CBD peut réduire les symptômes psychotiques chez les patients atteints de schizophrénie et d’autres troubles psychotiques. Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes d’action du CBD, optimiser les doses et les schémas thérapeutiques, et évaluer l’efficacité à long terme et la sécurité du CBD en tant que traitement antipsychotique.
Références
Iversen, L. (2003). Cannabis and the brain. Brain, 126(6), 1252-1270.