Raphael Mechoulam : Le Pionnier de la Recherche sur le Cannabis

Raphael Mechoulam est un nom bien connu dans le domaine de la recherche sur le cannabis. Ce chercheur israélien a consacré sa vie à l’étude de cette plante et de ses composés chimiques, contribuant ainsi de manière significative à la compréhension de ses effets sur la santé humaine et animale. Dans cet article, nous explorerons le parcours de ce pionnier de la recherche sur le cannabis, ses principales découvertes et l’impact de ses travaux sur l’industrie du cannabis et la médecine.

Le parcours de Raphael Mechoulam

1.1. Enfance et éducation

Né en 1930 à Sofia, en Bulgarie, Raphael Mechoulam a passé la majeure partie de sa vie en Israël (Aizpurua-Olaizola et al., 2020). En 1949, sa famille émigre en Israël, où il entame des études de chimie à l’Université hébraïque de Jérusalem (Mechoulam, 2019). Il obtient un doctorat en chimie organique à l’Université hébraïque de Jérusalem en 1958, avant de poursuivre ses recherches en tant que chercheur postdoctoral à l’Institut Weizmann de Rehovot, en Israël, et à l’Université Rockefeller de New York (Aizpurua-Olaizola et al., 2020).

1.2. Début de carrière et intérêt pour le cannabis

C’est en 1963 que Mechoulam a commencé à s’intéresser au cannabis et à ses composés chimiques, en particulier les cannabinoïdes. Il était intrigué par le fait que la structure chimique du cannabis et de ses composés n’avait pas encore été élucidée, alors que d’autres substances psychoactives, telles que la morphine et la cocaïne, étaient déjà bien connues (Mechoulam, 2019). À cette époque, les lois régissant la recherche sur le cannabis étaient moins strictes qu’aujourd’hui, ce qui a permis à Mechoulam d’acquérir 5 kg de hachisch de qualité supérieure auprès de la police israélienne pour mener ses études (Aizpurua-Olaizola et al., 2020).

Les principales découvertes de Mechoulam

Au cours de sa carrière, Raphael Mechoulam a réalisé plusieurs découvertes majeures qui ont profondément influencé le domaine de la recherche sur le cannabis. Parmi celles-ci, on peut citer :

2.1 La découverte du Δ9-tétrahydrocannabinol (THC)

En 1964, Mechoulam et son équipe ont réussi à isoler et à déterminer la structure chimique du Δ9-tétrahydrocannabinol (THC), le principal composé psychoactif du cannabis (Gaoni et Mechoulam, 1964). Cette découverte a ouvert la voie à l’étude des effets du THC sur le cerveau et le système nerveux central.

2.2 La découverte du système endocannabinoïde

Dans les années 1980 et 1990, Mechoulam et ses collaborateurs ont découvert l’existence du système endocannabinoïde, un système de communication cellulaire qui joue un rôle crucial dans la régulation de diverses fonctions physiologiques (Devane et al., 1992 ; Mechoulam et Parker, 2013). Ce système est composé de récepteurs cannabinoïdes (CB1 et CB2), d’endocannabinoïdes (comme l’anandamide et le 2-AG) et d’enzymes responsables de leur synthèse et dégradation (Aizpurua-Olaizola et al., 2020).

La découverte du système endocannabinoïde a révolutionné notre compréhension des mécanismes d’action des composés du cannabis et a conduit à la reconnaissance de l’importance des cannabinoïdes pour la santé humaine et animale (Pertwee, 2006).

2.3 La synthèse de cannabinoïdes

En plus de ses travaux sur le THC et le système endocannabinoïde, Mechoulam a également contribué à la synthèse de nombreux cannabinoïdes, y compris des cannabinoïdes synthétiques et semi-synthétiques (Hanus et al., 2005). Ces composés ont permis aux chercheurs d’étudier les effets des cannabinoïdes sur diverses maladies et conditions médicales.

2.4 La découverte du cannabidiol (CBD)

Mechoulam et son équipe ont également été les premiers à isoler le cannabidiol (CBD), un autre composé majeur du cannabis (Mechoulam et Shvo, 1963). Contrairement au THC, le CBD ne provoque pas d’effets psychoactifs et a été largement étudié pour ses propriétés thérapeutiques, notamment dans le traitement de l’épilepsie, de l’anxiété et de la douleur (Iffland et Grotenhermen, 2017).

L’impact des travaux de Mechoulam sur l’industrie du cannabis et la médecine

Les découvertes de Mechoulam ont grandement contribué à la légitimation de la recherche sur le cannabis et à l’émergence d’une industrie du cannabis médical et récréatif dans de nombreux pays (Aizpurua-Olaizola et al., 2020). Ses travaux ont également conduit à la mise au point de médicaments à base de cannabinoïdes, tels que le dronabinol (Marinol®), le nabilone (Cesamet®) et le cannabidiol (Epidiolex®), qui sont utilisés pour traiter diverses affections, telles que les nausées et vomissements induits par la chimiothérapie, l’anorexie liée au sida et l’épilepsie réfractaire (Mechoulam et Parker, 2013 ; FDA, 2018).

De plus, les travaux de Mechoulam ont inspiré d’autres chercheurs à explorer le potentiel thérapeutique des cannabinoïdes dans le traitement de maladies telles que la douleur chronique, la sclérose en plaques, la maladie d’Alzheimer et le cancer (Russo, 2011 ; Koppel et al., 2014 ;Hampson et al., 1998). Les études sur les cannabinoïdes ont également conduit à la découverte de nouvelles cibles thérapeutiques pour le développement de médicaments plus efficaces et sûrs (Pacher et Kunos, 2013).

L’héritage de Raphael Mechoulam et l’avenir de la recherche sur le cannabis

Le travail de Raphael Mechoulam a été largement reconnu et célébré dans le domaine de la recherche sur le cannabis. Il a reçu de nombreux prix et distinctions pour ses contributions, y compris le prix EMET en 2004, le prix NIDA en 2011, et le prix Harvey en 2020 (Aizpurua-Olaizola et al., 2020).

L’héritage de Mechoulam se perpétue à travers les chercheurs et les institutions qui poursuivent l’étude des cannabinoïdes et du système endocannabinoïde. Aujourd’hui, de nombreux laboratoires à travers le monde se consacrent à la recherche sur le cannabis, et de nouveaux composés et applications thérapeutiques continuent d’être découverts.

Parmi les domaines de recherche prometteurs, on peut citer l’étude des interactions entre les cannabinoïdes et les terpènes (composés responsables de l’odeur et du goût du cannabis), qui pourraient contribuer à un effet d’entourage améliorant l’efficacité thérapeutique des cannabinoïdes (Russo, 2011). Les chercheurs s’intéressent également au rôle des cannabinoïdes dans la régulation du système immunitaire et à leur potentiel en tant qu’agents anti-inflammatoires (Nagarkatti et al., 2009).

En outre, les progrès dans la génétique et la biotechnologie ont permis de développer de nouvelles variétés de cannabis avec des profils de cannabinoïdes spécifiques pour répondre aux besoins médicaux des patients (Aizpurua-Olaizola et al., 2020). Par exemple, des plantes de cannabis à faible teneur en THC et à forte teneur en CBD ont été développées pour les patients atteints d’épilepsie, réduisant ainsi les effets psychoactifs indésirables (Maa et Figi, 2014).

Conclusion

Raphael Mechoulam est sans conteste un pionnier de la recherche sur le cannabis. Ses découvertes ont non seulement éclairé notre compréhension des mécanismes d’action des cannabinoïdes, mais ont également permis le développement de médicaments à base de cannabis et l’émergence d’une industrie du cannabis médical et récréatif. Alors que la recherche sur le cannabis continue de progresser, l’héritage de Mechoulam restera un exemple inspirant pour les chercheurs et les défenseurs du cannabis.

Références

Aizpurua-Olaizola, O., Zarandona, I., Ortiz, L., Navarro, P., Etxebarria, N., & Usobiaga, A. (2020). Evolution of the Cannabinoid and Terpene Content during the Growth of Cannabis sativa Plants from Different Chemotypes. Journal of Natural Products, 79(2), 324-331.

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